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Dans la localité de Morency aux Cayes, la santé se fait luxe !

La population vivant dans la localité de Morency aux Cayes n’a aucun accès aux soins de santé. C’est du moins ce que révèle une étude menée par des étudiants.es de la Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé de l’Université Lumière pour tester le niveau d’accès de la population aux soins de santé. En raison du coût excessif exigé à l’entrée des hôpitaux, les gens ont recours à des alternatives comme le thé, la prière et les prêtres vodou.


« 100 % des enquêtés disent n’ayant pas accès à des soins de santé dans la zone », révèlent les résultats de cette enquête dressant un triste tableau de la situation dans la zone de Morency aux Cayes dans le département du Sud. Une problématique qui témoigne, selon les responsables, de l’état critique du système de santé haïtien comptant 25 professionnels de santé pour 10 000 habitants et 5,9 médecins ou 6,5 infirmières pour 10 000 habitants. Selon les données dont dispose l’Université Lumière, le système de santé haïtien offre des soins formels seulement à 47 % de la population.


La localité de Morency présente les symptômes de ce système défaillant à travers ses caractéristiques principales : absence de centre de santé, manque de moyens économiques, manque d’éducation à la santé et longue distance entre la zone et les structures hospitalières les plus proches. Cet état de fait n’est pas sans conséquence sur la population. En cas d’urgence, 84 % des personnes seraient décédées en cours de route, révèle l’enquête. Cette situation s’explique aussi bien par l’absence d'infrastructures sanitaires dans la zone. « 90 % de la population n’ont pas l’habitude d’entrevoir une ambulance dans la zone », soulignent les enquêteurs.


« Sur un échantillon de 146 personnes interviewées, 92 % déclarent que l’argent constitue le grand obstacle de leur accès aux soins de santé », indique Rood Jeeferson Feron, l’étudiant en 5e année de médecine ayant dirigé l’enquête. Du même coup, l’étude montre que dans cette zone, 98 % de la population n’ont pas accès aux soins de santé s’ils/elles n’ont pas d’argent pour se procurer les intrants (sérum, bande de gaz, seringue, gants). 78 % restent sans soins s’ils/elles n’ont pas d’argent.


« À une heure du matin, je suis arrivée dans un hôpital avec une douleur [intense]. Je ne pouvais ni m’asseoir ni me coucher encore moins, rester debout. Ils m’ont demandé de verser 15 000 gourdes d’abord. À prendre ou à laisser. J’avais 12 500 gourdes en main, ils les ont refusées. J’ai passé une heure devant le centre jusqu’à ce qu’un ami m’apporte un prêt de 2500 gourdes », témoignage d’un riverain de Morency, à en croire les propos rapportés par Rood Jeeferson Feron.


La majorité de la population, soit 90 %, sont réferés.es dans un laboratoire privé par des hôpitaux publics, souligne Feron. Dans cette localité, les gens ne vont pas à l’hôpital de manière régulière. Cela s’explique tant par la distance parcourue pour trouver un centre de santé que par la situation financière des familles. Au moins 82 % des personnes disent se rendre à l’hôpital quand ils sont malades, et majoritairement après avoir eu des traitements alternatifs, révèle l’enquête, soulignant que 100 % des enquêté.e.s disent ne pas avoir une assurance de santé.


Cette situation qui est courante dans la ville des Cayes (Département du sud) et a été dénoncée par 92 % des interviewées qui se déclarent victimes du paiement à l’acte. Les gens sont forcés de payer avant de rencontrer un médecin, quel que soit le niveau de leur souffrance. Face à ce grand obstacle, les gens sont obligés de tester d’autres alternatives pour combler leurs besoins en soins et en services de santé. 70 % prennent du thé quand ils/elles sont malades, 55 % recourent à la prière, 17 % sont allés.es voir un houngan (prêtre vodou). Seulement 3 % prennent la route d’un hôpital en cas de maladie.


S’il n’y a pas de centre hospitalier dans la zone, les gens qui parcourent une longue distance à la recherche de soins quand ils sont malades se plaignent de la disponibilité du personnel devant leur servir. 60 % des enquêté.e.s déclarent avoir été confrontés à l’absence de personnel de soins dans les hôpitaux. Toutes ces difficultés contribuent à expliquer la fréquence avec laquelle les gens vont dans un centre hospitalier pour se faire soigner. L’enquête révèle que 100 % des enquêté.e.s disent qu’ils/elles se rendraient plus souvent à l’hôpital s’il existait un système de santé plus accessible.


En revanche, les enquêteurs recommandent, pour atténuer ce problème, de fournir des soins décentralisés pour être au plus près des populations grâce à la mise en place des dispensaires ou centres de santé structurés ou encore des équipes mobiles. Ils plaident pour la promotion des approches communautaires décentralisées pour réduire le nombre d’abandons de thérapies.


De plus, les enquêteurs croient essentiel d’informer et de sensibiliser cette population sur les dangers de l’automédication et des traitements traditionnels quand recourir aux soins de santé est urgent.


Les autorités doivent réduire au maximum les coûts afin de faciliter les patients à poursuivre leur traitement, poursuivent les responsables de l’enquête. Ils mettent l’accent sur la nécessité d’instaurer la gratuité des soins de santé lors des situations d’urgence et un recours moindre aux paiements directs afin de protéger cette population des conséquences financières des dépenses de santé.


Jean Robert BAZILE

Ce projet de contenus a eu le support de l’IFDD/OIF.

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