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Haïti : Dans des camps de déplacés internes, l’insalubrité règne, la diarrhée terrifie les enfants

À cause de l’insalubrité, de l’inaccessibilité à l’eau potable ou encore du manque d’hygiène et d’assainissement qui font loi dans les camps de déplacés, les enfants qui y vivent sont très exposés aux maladies féco-orales dont la diarrhée. Une maladie qui, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), représente 16 % des cas de décès chez les enfants de moins de cinq ans en Haïti.


Reportage  


Depuis le début du mois de mars 2024, environ 5 mille 500 déplacés.es se substituent aux plusieurs centaines de milliers d’écoliers.ères qui devaient fréquenter le Lycée Marie Jeanne transformé en camps de réfugié.es. Nous sommes à la première impasse Lavaud, en plein Port-au-Prince. Les salles de classe de l’établissement public logent désormais des hommes, des femmes et des enfants chassé.es de leurs maisons par des gangs armés qui contrôlent plus de 80 % de la région métropolitaine haïtienne.


Sur la cour, des enfants marchent pieds nus au milieu des tentes crasseuses, étalées à même le sol. Nous nous dirigeons vers l’entrée d’une salle qui accueille des personnels de santé de Médecins du Monde (MDM). Vêtus de t-shirt blanc frappé de l’écriteau de l’ONG, ils sont présents pour assurer une clinique mobile profitable entre autres, pour les 170 enfants de 0 à 59 mois qui vivent dans ce vaste camp.

Des parents avec leur bébé en main défilent devant des tables remplies de médicaments divers comme des solutions de réhydratation orale (SRO) et antibiotiques. Chaque bénéficiaire reçoit des médicaments selon les symptômes qu’ils présentent. Bébidia Milord, l’une des patientes du jour, vient de récupérer des SRO ainsi que d’autres médicaments nécessaires pour sa fille de sept mois. Sur la peau de sa progéniture, des acnés de nourrissons sont visibles. 


La rescapée décide de nous conduire à la salle où elle est logée depuis plus de quatre mois. Ce sont des vêtements suspendus, des draps étalés au sol, des mouches qui font le va-et-vient et une odeur désagréable qui nous accueille là où Bébidia et ses deux enfants dorment. Un environnement ayant donné de la diarrhée à répétition à son nourrisson. « Mon bébé a très souvent la diarrhée. Parfois, cela dure toute une semaine », lâche celle dont l’enfant en question est née dans un autre camp de déplacé.es


Pour arrêter la diarrhée à chaque fois, elle utilise la solution de réhydratation orale. Quand cela persiste, la victime des hommes armés de Carrefour-Feuilles achète le pedialyte pour son enfant. Elle précise que son bébé souffre aussi de malnutrition, selon ce que les personnels de santé lui ont rapporté. « Peut-être cela est causé par un manque d’hygiène et de mauvaises conditions dans lesquelles nous vivons. Ici, nous dormons entasser comme des sardines. Environ 54 personnes dorment dans la même salle », révèle celle qui a perdu son conjoint suite aux violences des gangs alors qu’elle avait trois mois de grossesse.


Cette condition de vie, Bébidia la partage avec tous les autres occupants du camp de Lycée Marie Jeanne où même l’accès à l’eau potable demeure un luxe. Et pour rendre les choses encore plus difficiles, depuis plus d’un mois, tous les dons d’eau ont cessé, à en croire les victimes. Désormais, les déplacés doivent dépenser entre 40 à 50 gourdes pour se procurer de cinq gallons d’eau non potable pour pouvoir répondre aux tâches quotidiennes. 


À ce problème s’ajoutent celui des douches et des toilettes en mauvais état et l’omniprésence des déchets. Un terrain propice pour l’expansion des maladies féco-orales dans ce camp. Selon le médecin généraliste, Johnny Gaspard, la clinique mobile a permis de détecter 35 cas de diarrhée chez des enfants de trois à 42 mois au Lycée Marie Jeanne. « Nous travaillons sur huit sites d’hébergement, dont sept à Port-au-Prince et un à Route de Frères. Le constat est le même partout. Parfois nous recensons 40, 50 jusqu’à 100 cas d’enfants qui ont de la diarrhée. Ce, surtout dans les camps surpeuplés », dévoile le responsable de terrain convaincu que tout ceci est dû à la consommation de la mauvaise qualité d’eau et d’aliments. 


Selon le médecin, les maladies féco-orales, dont les cas augmentent très souvent après des dons de nourriture dans les camps, peuvent causer la mort de la personne infectée. Or, parmi les cas recensés, on retrouve très souvent des diarrhées aiguës, aqueuses et persistantes. « Une diarrhée persistante peut causer beaucoup de dégâts et même la mort », informe M. Gaspard. 


Mettre dans la bouche les doigts, de la nourriture, des boissons ou tout objet ayant été en contact d’une manière ou d’une autre avec des matières fécales peut être synonyme de maladies féco-orales comme la typhoïde, la diarrhée, l’hépatite A et E et le choléra. « Ce sont les enfants de 0 à 59 mois qui sont les plus vulnérables », souligne le médecin généraliste, Johnny Gaspard qui conseille aux parents d’être plus attentifs et soigneux et de faire consulter régulièrement leurs enfants afin d’éviter la malnutrition. « Les cas de malnutrition sont aussi enregistrés en raison d’une diarrhée persistante », fait-il savoir. 


Selon une étude de l’OMS et du fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la diarrhée est la deuxième cause de décès chez les enfants de moins de cinq ans dans le monde. En ce qui a trait à Haïti, le manque d’assainissement et d’accès à l’eau potable sont les principales causes de diarrhée chez cette catégorie.


Fabiola Fanfan


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