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Haïti : La peur du développement durable ?

Les objectifs de développement durable (ODD) sont tous liés. Il n’y a aucune possibilité de réaliser les 15 autres en dehors de l’accomplissement des deux premiers. Cela va sans dire qu’il faut d’abord résoudre le problème de la faim en Haïti et faire sortir le pays de sa pauvreté.


Qui veut réellement voir finir la faim dans le monde ? Qui aurait réellement intérêt à sortir Haïti de sa pauvreté ? En 2000, le système des Nations Unies a adopté, à New York, 8 Objectifs millénaires pour le Développement (OMD). Parmi ces objectifs qui devaient s’accomplir en 2015 figurait la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim. Une mission qui a échoué. En revanche, les États du monde ont adopté 17 objectifs qui devaient dépasser les 8 premiers, élargir le cadre et, dans une certaine mesure, combler les manques des quinze premières années. Les Objectifs de Développement Durable (ODD) ont remplacé les OMD.


Pas de pauvreté. Faim zéro. Ces deux premiers objectifs forment la pierre angulaire de notre préoccupation. Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), il s’agit d’un appel mondial à éradiquer la pauvreté de sorte que tous les êtres humains puissent vivre dans la paix et la prospérité d’ici 2030. Dans cette assertion, il faudrait se demander ce que cela peut bien vouloir dire le concept « être humain » dans la lecture des maîtres du monde. Si parler des êtres humains, c’est convoquer l’Homme dans sa nature intrinsèque, on ne peut pas se permettre d’omettre un ensemble de dimensions humaines liées à l’existence même de cette espèce sur cette terre.


Le droit. Le droit de choisir que possède un individu, celui de se disposer de lui-même. Ce droit témoigne de sa liberté, de sa dignité, de son humanité. Tout ceci est lié à un droit de vivre. Mais quel droit de vivre sans droit à la nourriture, au logement, à l’éducation, à la santé, aux loisirs et à la sécurité ? Sans ces droits, lorsqu’on parle de l’homme, on parle, tout bêtement et à coup sûr, d’une catégorie : des esclaves. Esclaves sous-entend ici le groupe des marginalisés, des laissés-pour-compte, des exploités, des dominés. Mais de quelle métropole ? De la politique néolibérale raciste qui trouve son existence dans la déshumanisation des gens du sud.


Ces pays du Sud qui pataugent dans la pauvreté, la faim et la misère la plus abjecte espèrent un jour voir la lumière du soleil. Ils connaissent toutes les inégalités, toutes les formes d’exclusions et de violence du monde. Ils mettent toute voile dehors pour prendre le train de l’agenda 2030. Mais en réalité, les puissances impérialistes, les pays du Nord, aimeraient-ils, un jour voir des pays comme Haïti, Éthiopie, Bangladesh et autres pays d’Afrique sortir du labyrinthe ? Restons en Haïti. Pourquoi les pays qui parlent de développement durable, de la paix, de la prospérité, de l’autonomie financière ont-ils peur de la volonté du peuple haïtien ? 


Que revendique le peuple haïtien ? Le droit de disposer de lui-même. C’est-à-dire, choisir ses dirigeants, planifier son développement, gérer son économie, assurer sa sécurité, contrôler son territoire, nourrir ses fils et filles, penser son éducation, définir ses priorités en matière de politiques publiques : santé, environnement, agriculture, commerce… Ce que veulent les Haïtiens, c’est un pays qui marche dans tous les sens du verbe. C’est une démocratie qui fonctionne. Parce que, tout simplement, ce serait une illusion à nulle autre pareille, une erreur intellectuelle et un rêve chimérique de vouloir penser le durable dans un pays qui ne marche pas. Comment éradiquer la faim et la pauvreté tout en conservant les politiques d’endettement des pays du Nord et des institutions de Bretton Woods ; en institutionnalisant la corruption, en stabilisant l’instabilité ?


Haïti, ce pays ruiné et vidé de lui-même, a été le premier à poser le problème de la dignité, de la liberté, du racisme. Haïti n'est jamais partisan de l’inégalité entre les races. Il a posé ce problème pour lui et pour le monde. Il n’avait pas besoin de leçon en ce qui concerne son regard sur l’avenir du monde. Son combat reposait sur la nécessité de penser les générations présentes tout en préservant les générations futures. N’est-elle pas la source de la définition du développement durable ? Le peuple haïtien ne s’éloigne jamais de cet idéal. Mais pourquoi certains pays font tout pour le garder dans la dépendance ?


Comment ne pas vouloir départir de l’aide, un pays qu’on veut mettre sur la voie du développement durable ? Existe-t-il un quelconque rapport entre le développement durable et l’assistanat ou les autres formes de dépendance (économique, politique…) ? Comment vouloir lutter pour l’éradication de la faim et de la pauvreté sans prendre parti pour le canal de la dignité à Ouanaminthe ? Ne s’agit-il pas d’un élan pour conserver la pauvreté ? Mais comment parler de santé et bien-être, d’éducation de qualité, de réduction des inégalités, de travail décent et de croissance économique dans un pays de misère qui n’a aucun droit de faire son pari sur l’avenir ni tracer son propre chemin ?


Les objectifs de développement durable sont tous liés. Il n’y a aucune possibilité de réaliser les 15 autres en dehors de l’accomplissement des deux premiers. Cela va sans dire qu’il faut d’abord résoudre le problème de la faim en Haïti et faire sortir le pays de sa pauvreté. Mais qui veut réellement voir l’accomplissement de ces objectifs ? Enfoncer un pays dans le trou le plus profond, tuer ses fils et filles, exiler les citoyens et citoyennes, détruire sa production et son éducation, affaiblir et contrôler ses institutions et tuer l’espoir, les rêves des générations… tout cela ne traduit-il pas une peur du développement de ce pays prêt à tout pour refaire son histoire ? Mais pourquoi ? Parce qu’un monde injuste reste ce qu’il est, peu importe les discours.


Jean Robert Bazile

Ce projet de contenus a eu le support de l’IFDD/OIF.


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