top of page

L’organisation féministe Dantò, vent debout contre le viol collectif

L’organisation féministe Dantò a lancé une campagne de sensibilisation et de plaidoyer sur le viol collectif par le biais d’une installation représentant le martyr des femmes. Celle-ci vise à attirer l’attention de tous sur ce phénomène qui prend du champ dans le pays.


Reportage


Dans une pièce obscure, sur une table éclaboussée de sang, une poupée de femme est allongée. Elle est entourée de vêtements, d’assiettes dont certaines sont cassées, les unes différentes des autres, avec à l’intérieur des culottes, des fourchettes et des cuillères toutes ensanglantées. On aurait cru un plat servi lors d’un festin. Le corps de la femme est ainsi présenté en martyr. Et c’est ce qu’explique Denise Charles, l’un des membres de l’organisation féministe Dantò. « Cette installation représente le martyr des femmes, exposées à toutes formes de violences », confie la militante féministe.


De deux côtés de la table, des chaises sont empilées, les unes sur les autres. « Nous savons tous que les femmes sont au cœur de cette situation de crise que connaît le pays, cette installation représente les systèmes qui exercent leur pouvoir sur la femme pour prendre le dessus », explique Charles servant de guide à cette installation, organisée de concert avec Opaque Voisin-Lab ce jour-là.


On peut également observer deux fauteuils, placés dans deux coins de la pièce, sur lesquels sont exposés deux couronnes, l’une en or symbolisant l’oppresseur et l’autre en épine qui symbolise la victime, en l’occurrence la femme d’après les membres organisateurs de l’événement. L’émotion est palpable sur le visage des visiteurs.


Une vidéo laisse voir aussi une jeune fille qui tente, désespérée et abimée, d’échapper à un viol collectif. « Cette vidéo n’est pas réelle, mais on essaie de reproduire la situation que vit une femme ou que vivent des femmes. On peut lire sur les murs, les différents témoignages de survivantes de viols collectifs. Ces informations sont recueillies des derniers rapports publiés par le Réseau national de défense des droits humains », ajoute-t-elle.


Dans une autre partie de la pièce, deux jeunes filles nues assises, la tête recouverte d’un voile, les pieds baignant dans une cuvette de sang.



Cri d’indignation


Après l’exposition, une conférence-débat a eu lieu sur la thématique des viols collectifs. C’est un sujet sensible, dit l’économiste Christine Thermidor qui est également responsable de coordination de l’organisation féministe Nègès Mawon.


« Les femmes ne sont pas les seules victimes du viol collectif. Cependant, les femmes et les filles sont les plus vulnérables à cette injustice », a fait remarquer Christine Thermidor, ajoutant que le viol collectif est utilisé ces dernières années comme arme pour cibler les femmes et les filles en déplacement dans le cadre des guerres de territoires.


Pour l’année 2023, Nègès Mawon a recensé cinq cas de viols collectifs sur mineur de 16, 17 ans et cinq autres cas de femmes âgées. La majorité des cas de viols collectifs recensés proviennent des quartiers tels que La Saline, Bel-Air, Cité Soleil, Saint-Martin, renchérit la responsable de coordination de Nègès Mawon.


« À travers le programme de marrainage de Nègès Mawon, nous avons accompagné près de 409 survivantes de violences. Parmi les agresseurs identifiés, nous avons trouvé 263 qui sont des gangs et qui opèrent dans des quartiers populaires », a-t-elle déclaré.


Elle souligne que certaines survivantes sont victimes à plusieurs reprises de viols collectifs, une situation qui laisse à désirer. Par ailleurs, elle poursuit qu’à travers le programme marrainage de Nègès Mawon, les femmes sont assistées émotionnellement, économiquement, juridiquement, psychologiquement en collaboration avec d’autres organisations et d’autres institutions, cependant, l’État haïtien est toujours absent.


Si les viols ont toujours été présents en Haïti, particulièrement au niveau des quartiers populaires, leur nombre ne cesse d’augmenter et ils passent du viol individuel au viol collectif. Face à cette situation, l’organisation féministe Dantò se sent indigner, martèle Thamas Jean Pierre, sociologue et membre de ladite organisation. « Nous avons lancé cette campagne de plaidoyer sur le viol collectif afin d’attirer l’attention de tous sur cette situation », dit-elle.


Cette campagne de sensibilisation et de plaidoyer rejoint un ensemble d’initiatives déjà prises par les organisations féministes dans le pays pour lutter contre ce phénomène. En 2022, Nègès Mawon a réalisé son festival féministe autour du thème « Mon corps au sens propre et défiguré ». À cette activité, plusieurs expositions ont été faites pour sensibiliser le public sur les violences que subit le corps des femmes.


Marie-Année Cadet


Comments

Rated 0 out of 5 stars.
No ratings yet

Add a rating

À la une

bottom of page