Même si Mackendy Smith voulait devenir à tout prix plasticien, mais sa rencontre avec la cordonnerie était inévitable. Très tôt, il s’est courageusement lancé dans ce métier, et ne tarde pas à connaître ses moments de gloire. Après plus d’une vingtaine d’années d’expérience à son actif, Mackendy traîne derrière lui d’innombrables reconnaissances, prix et distinctions tant au niveau national qu’international.
« Ma mère m’achetait régulièrement des sandales. Et elles sont prématurément abimées. À chaque fois, ma mère ne négligeait pas de me punir. Car elle savait pertinemment que je jouais au foot avec les sandales », explique-t-il sourire aux lèvres. Un beau jour, raconte-t-il, il a décidé de confectionner ses propres sandales pour éviter de tomber sous les sanctions de sa mère. Depuis lors, des gens avisés commençaient à apprécier son talent, l’encourageant à se lancer à fond dans la cordonnerie.
Reportage
En admirant tous les petits matins ces plaques d’honneurs, prix et distinctions placardés au mur de son atelier, Mackendy Smith, 40 ans, devient de jour en jour un cordonnier motivé. Debout dans l’atelier, il se retourne sur ses récompenses obtenues depuis son début dans le métier de la cordonnerie en Haïti. Il les identifie avec ses doigts. Ça, c’est le prix de Digicel, entrepreneur de l'année 2012. L’autre à côté, c’est celle de 2013, énumère-t-il. Il a remporté ce prestigieux concours deux fois d’affilée, nous fait-il savoir. Celle-ci, c’est ma plaque de meilleur artisan de l’année de 2011 délivrée par le ministère du Tourisme en collaboration avec le Nouvelliste, continue-t-il d’énumérer.
“Je l’ai reçue lors d’une édition de l’Artisanat en fête pour la qualité et l’originalité de mes produits”, fanfaronne le cordonnier, avec un sourire de satisfaction aux lèvres. En 2016, Mackendy a valeureusement reçu des mains du Président américain d’alors, Barrack Obama, une plaque d’honneur et mérite dans le cadre du programme baptisé “Young leaders of the America Initiative”. Il a été honoré au Canada lors du sommet de la grande Rencontre des Jeunes Entrepreneurs du Monde francophone. Il en reçut une autre de la part du Département d’État américain pour avoir lancé INIKK, Inisyativ Kore Kòdonye…
Énumérer toutes ses distinctions dans le métier de la cordonnerie devient tout simplement pour Mackendy une tâche ardue. Car elles sont trop nombreuses. “Ces distinctions et prix me rappellent chaque jour mon importance dans ce métier. À mes yeux, ils ont tous la même valeur. Ils m’aident à rester dans ce métier et à m’impliquer davantage. Ça me prouve réellement que mon travail n’est pas vain”, balance le cordonnier d’un air fier, indiquant entre autres que ces plaques d’honneurs lui protègent contre le vent de découragement qui pourrait lui frapper en plein visage dans le paysage de la cordonnerie haïtienne.
Né et grandi à Port-au-Prince, au départ, Mackendy Smith ne voyait pas en lui un homme avec autant de succès voire un multiprimé. Au contraire, étant l’aîné d’une famille modeste de cinq enfants, il se battait juste pour sortir du lot. C’était pour lui une mission très compliquée. Mais, il ne se laissait intimider par aucun obstacle. En 1996, le gamin de 16 ans s’est levé de très tôt sur ses lauriers et se fait passer pour maitre de son destin. Il s’est lancé dans la réparation de chaussures abîmées et déchirées. Peu de temps après, il signe son entrée dans le domaine de l’artisanat.
“J’ai commencé à exercer ce métier de très tôt. Je ne confectionnais que des sandales. À l’époque, j’ai été guidé par mon amour et ma passion. Il n’y avait pas réellement de l’argent. Toutefois, il m’aide quand même à alléger les charges de ma mère. Je me débrouillais assez bien”, précise l’artisan. Cependant, tout allait changer pour lui quelques années plus tard. Vers les années 2000, ajoute-t-il, il a commencé sa carrière professionnelle de cordonnier tout en se considérant comme un véritable entrepreneur.
Rigolo, plaisant, tels sont les qualificatifs pouvant décrire le contexte de création de sa première paire de sandales. C’était pour lui une stratégie de fuir les châtiments de sa mère. “Ma mère achetait régulièrement des sandales pour moi. Et, elles sont prématurément abimées. À chaque fois, ma mère ne négligeait pas de me punir. Car elle savait pertinemment que je jouais au foot avec les sandales”, explique-t-il très souriant. Un beau jour, raconte-t-il, il a décidé de créer ses propres sandales pour éviter de tomber sous les sanctions de sa mère. Depuis lors, des gens avisés commençaient à apprécier son talent, croyant qu’il peut se lancer à fond dans la cordonnerie.
Dès son plus jeune âge, Mackendy Smith était un amoureux de l’Art plastique. Il a étudié ce métier à l’École Nationale des Arts (ENARTS) entre 2005 à 2010. Toutefois, sa rencontre avec la cordonnerie était inévitable. ‘’Sans le savoir, le métier de cordonnier sommeillait en moi. C’est la cordonnerie qui vient vers moi et non l’inverse’’, balance-t-il. Le natif de Port-au-Prince se révélait un enfant très doué dans le domaine. Ses clients n’ont pas cessé de chanter ses louanges. Pourtant, il pratiquait ce métier par routine.
Il n’y avait pas de centre de formation pour ce métier. Il a contacté Centre Pilote et Haïti Tech pour pouvoir se former dans ce domaine. Ses contacts s'étaient révélés sans succès. Mackendy est le premier de sa famille à s’engager dans cette voie. Son arrière-grand-père et son père n’étaient pas cordonnier. Ce choix est loin de déranger sa mère. Au contraire, elle lui apporte entièrement son support moral. Mais certaines personnes de son entourage ne voyaient pas cette décision de bon œil. Pour eux, c’était un métier de bas niveau.
‘’Certains.es amis.es, voisins.nes ne considèrent pas la cordonnerie comme un vrai métier. Pour eux, c’était un métier de survie et de gagne-pain. Dans leur tête, mon choix se résumait à un gaspillage d’énergie’’, confirme le multi-primé. Pour fuir ces tempêtes de critiques, Mackendy exerçait sa profession de manière clandestine. ‘’Je suis obligé de rester enfermé dans une chambre pour réparer les souliers. Quand mes clients venaient vers moi, je les ai ordonnés d’envelopper leurs affaires’’, raconte le cordonnier avec tant d’amertume, croyant qu’il ne pouvait pas assumer son choix.
Mais Mackendy a en si peu de temps brisé les chaînes de la marginalisation, et exerce la cordonnerie au vu de tout le monde. Bien que le métier de cordonnier soit très négligé, Mackendy gagne entièrement sa vie avec la cordonnerie. Elle me rapporte beaucoup, confie-t-il. Hormis un stage qu’il a effectué à Demain Design, une grande compagnie œuvrant toujours dans le milieu artisanal, il n'a jamais travaillé dans une autre sphère d’activité. ‘’Je reste toujours dans mon atelier pour travailler’’, soutient l’artisan, soulignant qu’il n’a aucun regret d’avoir choisi ce métier.
Aujourd’hui, Mackendy Smith est le cofondateur de la compagnie Mak Pa Nou Création. Cette dernière est une société de personnes en nom collectif comportant deux associés. Elle est fondée le 23 novembre 2010. Administrée entièrement par Mackendy, elle se spécialise dans la fabrication de chaussures et d’autres accessoires. Actuellement, le natif de Port-au-Prince est membre du Conseil d’Administration de la Chambre des Métiers de l’Artisanat d’Haïti (CMAH). Cette structure, qui a pour mission d’encadrer les cordonniers haïtiens, évolue dans le secteur depuis environ une décennie.
Face à la descente aux enfers du métier de la cordonnerie en Haïti, Mackendy ne veut surtout pas rester les bras croisés. Il a courageusement lancé en 2020 l’Inisyativ Kore Kodonye, INIKK, une plateforme dont il est le coordonnateur général. Il voulait matérialiser ses idées innovantes dans le seul but de structurer le secteur et de protéger les artisans. ‘’Cette structure vise à aider les artisans de la cordonnerie évoluant surtout dans les quartiers marginalisés, en leur permettant de développer l’esprit d’entrepreneuriat et d’améliorer leur professionnalisme dans le domaine. Aussi, on donne aux artisans des appuis techniques’, martèle le cordonnier expérimenté.
Dans le cadre de ce programme immense, Mackendy a effectué en 2021 une tournée de formations couvrant trois départements : le nord, l’ouest et l’Artibonite. Une trentaine de jeunes ont été formés dans le domaine de la cordonnerie, de l’entrepreneuriat et en leadership. ‘’Avec INIKK, nous sommes déjà en contact avec de grandes compagnies de fabrication comme Reebok pour trouver une éventuelle extension du secteur et une ouverture vers l’extérieur. On cherche des débouchés pour les jeunes artisans haïtiens. Ces projets sont en cours’’, révèle le professionnel de la cordonnerie d’un ton rassurant.
Ce cordonnier est surtout connu pour avoir laissé son empreinte dans la cordonnerie en Haïti. Aussi, il fait le mentorat pour beaucoup de jeunes, que ce soit en ligne ou en présentiel dans le domaine de l’entrepreneuriat, de la rédaction de projet et autres. En outre, dans ce domaine, sa reconnaissance internationale ne cesse de croître. ‘’J’ai représenté le pays à plusieurs reprises dans plusieurs activités et forums internationaux’, renchérit-il. En dépit de ses exploits considérables dans ce métier, Mackendy Smith est loin d’être satisfait. Il lui reste beaucoup de chemins à parcourir.’’‘Mon ambition c’est de voir Mak Pa Nou Création se hisser au même rang que ADIDAS et NIKE’, conclut-il.
Pierre Samuel MARCELIN
Ce projet de contenus a eu le support de l’IFDD/OIF.
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