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Ronel Paul ou la passion incarnée du journalisme

Ronel Paul a su inscrire son nom en lettre d’or dans le palmarès des plus grands concours journalistiques du pays allant du premier concours de reportages sur l’économie et la finance de l’Association haïtienne de Journalistes économiques pour le Développement durable à la dernière édition du Prix Philippe Chaffanjon du journalisme multimédia.



Son amour pour la langue française qui lui a valu le nom de Petit Canada, l’invention d’une radio ambulante au Lycée Jean Robert Cius des Gonaïves, ses reportages sur des évènements de son université… Tout semblait guider Ronel Paul vers le journalisme. « Quand il n’y avait pas de professeurs en salle de classe, on s’amusait, histoire de faire passer le temps. On a pu créer Sweety FM. Certains élèves jouaient le rôle de chroniqueurs sportifs, d’autres, comme moi, animateur compas », se rappelle celui qui était déjà un mordu de la radiodiffusion à l’époque. 


D’une station de radio improvisée à la découverte de la Radio France Internationale (RFI), Ronel s’est fait une promesse : celle d’y travailler. « C’était devenu une passion. Je me suis mis à faire des recherches sur le domaine via le net », raconte le natif de la Cité de l’Indépendance. Mais après avoir terminé ses études classiques, la peur de la capitale haïtienne avait un peu freiné son élan. Ronel avait opté pour la Communication sociale à la Faculté des Sciences humaines (FASCH) de l’Université d’État d’Haïti (UEH). Un projet qu’il a dû abandonner en raison de la situation sécuritaire de Port-au-Prince. « J’ai enfin opté pour les Sciences de l’Éducation, mais parallèlement, j’ai continué à me former en journalisme sur le Net et aux Gonaïves », précise Ronel. 




Une rencontre facilitatrice 


Alors qu’il était en deuxième année en Sciences de l’Éducation, Ronel a rencontré Emmanuel Paul, un journaliste de la radio Référence FM. L’ancien de la Radio Vision 2000 l’a fait part de son projet d’émission « Referans Tou Patou » et l’a demandé de trouver quatre autres personnes pour former une équipe. « Emmanuel m’a dit qu’il allait travailler, avec nous, les techniques de reportages. C’est une occasion en or qui s’est présentée. J’étais devenu reporter de “‘Referans Tou Patou” en 2017 avant d’entrer comme reporter officiel de la radio en 2018 », nous expose Ronel. En 2019, Référence FM faisait partie des médias qui devaient bénéficier de l’appui de l’agence publique française Canal France International (CFI). Ronel a été choisi et a participé à une formation de deux semaines à Hinche. « J’étais tellement passionné par le journalisme que j’ai laissé la faculté pour pouvoir suivre la formation sur les techniques de reportages et traitements de l’information locale », fait-il savoir. 


Deux semaines plus tard, la Radio France Internationale (RFI) avait besoin de correspondant.es dans certaines villes de province en Haïti, dont Les Gonaïves. « Stéphanie Schûler, l’une des formatrices, m’a appelé pour me faire part de la nouvelle. Nous étions en pleine saison cyclonique. J’ai proposé un sujet sur les inquiétudes de la population des Gonaïves par rapport à cette saison. Ça a été accepté. Le reportage a été diffusé sur RFI le 28 aout 2019 et quatre belles années de collaboration s’en sont suivi », se rappelle Ronel. 




Un chasseur de prix par excellence


Dès le début de sa carrière, Ronel Paul s’est donné pour mission de surpasser non seulement les autres journalistes correspondant.es de la place, mais également ceux/celles qui évoluent à Port-au-Prince. Selon lui, on a tendance à ne pas considérer les travailleurs de la presse hors de la capitale comme de vrais journalistes.


« J’avais pour obligation de challenger les journalistes de Port-au-Prince et de me mettre au diapason avec les journalistes français que j’écoutais sur RFI », souligne-t-il fièrement. La détermination et le travail assidu du jeune gonaïvien ont fini par payer. En 2021, Ronel est le lauréat de la catégorie audiovisuelle du premier concours de reportages sur l’économie et la finance organisé par l’Association haïtienne de Journalistes économiques pour le Développement durable (AHJEDD). Il a su convaincre le jury avec son reportage sur les « Conséquences de l’urbanisation et construction anarchique sur la production agricole en Haïti ». 


Quelques mois plus tard, il a récidivé en remportant la septième édition du Prix Jeune Journaliste en Haïti de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) avec son reportage audiovisuel « Cohabiter à tout prix avec des décharges sauvages. Quelles conséquences ? ». Une récompense qui lui a valu un stage au Burkina Faso. 




Cet amour pour les sujets sociaux a propulsé le correspondant de la RFI au sommet en 2023 lorsqu’il a remporté la dixième et dernière édition du Prix Philippe Chaffanjon dans la catégorie Prix du reportage haïtien. À travers son reportage « Haïti : le calvaire des mères célibataires », publié sur Zoom Haïti News, Ronel a voulu attirer l’attention sur la situation de cette catégorie sociale livrée à elle-même. « Ce reportage fait suite aux travaux que j’ai réalisés sur les mères travaillant dans les marais salants. J’ai pu découvrir qu’il y avait uniquement des mères célibataires. J’ai fait le même constat pour les personnes présentes dans les décharges. Et là m’est venue l’idée de combiner les éléments que j’avais déjà pour monter un reportage et postuler au Prix Chaffanjon », nous développe Ronel.


S’il est vrai que le fils de la Cité de l’indépendance a réussi à inscrire son nom dans le palmarès de ce concours, il estime que son travail n’a pas eu l’ampleur médiatique espérée. Les journalistes ont préféré parler du gagnant et non du problème abordé dans son reportage. « En dépit des différentes versions du reportage que j’ai réalisé, il n’y a pas d’audience importante. Je voulais que la question de familles monoparentales soit abordée d’une autre manière. Je voulais que des organisations féministes ou féminines rencontrent ces mères tout en les faisant savoir qu’elles ont droit à une pension alimentaire », révèle Ronel. 


En lieu et place d’une reconsidération des mères célibataires des Gonaïves, le jeune journaliste a eu plutôt droit à des menaces de certaines personnalités lui reprochant de mettre les seigneurs de cette ville en mauvaise posture. « J’ai déjà réalisé un reportage sur des habitants de Anba Pwent, localité de Raboteau, qui font leur besoin à même le sol à proximité de la seule plage publique des Gonaïves. J’ai montré qu’on était face à un problème de santé publique. Le reportage a fait le retour des réseaux sociaux non pas pour poser le problème, mais pour calomnier un ancien élu. La tournure politique que cela a prise à mis ma vie en danger. Le travail sur les mères célibataires a amplifié les menaces », nous fait savoir le lauréat haïtien de la dernière édition du Prix Chaffanjon. 


Pour protéger sa vie, après avoir reçu le prix à Paris en juin 2023, Ronel a fait le choix de rester en France. Il vient à peine de recevoir le statut de réfugié et peut revenir en Haïti dix ans après, s’il le souhaite. En ce qui a trait à sa vie professionnelle, une reconversion dans l’informatique ou dans l’enseignement est en cours. 




Jeff Mackenley GARCON

Ce projet de contenus est soutenu par IFDD/OIF


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