Sylvie Jean Lavalée, première miss vidéomax, a laissé Haïti dès son jeune âge pour aller vivre en France. À un moment de sa vie, elle a découvert qu’elle souffrait de l’endométriose, une maladie qui frappe 10 % des femmes en âge de procréer. Sylvie Jean Lavalée est autrice de l’ouvrage titré « En attendant… mon combat contre l’endométriose » et fondatrice de l’Association « Ann met tèt ansanm kont maladi andometriyoz » (unissons-nous contre la maladie endométriose).
« Je suis à ma douzième fausse couche. Selon les médecins, je ne peux pas garder les enfants parce que j’ai une endométriose ajoutée à une infection placentaire. L’inflammation placentaire empêche aux enfants d’avoir de l’oxygène. D’où l’impossibilité du battement de leur cœur au cours de la grossesse », témoigne-t-elle en nous racontant sa bataille périlleuse avec l’endométriose, ce cancer qui ne tue pas.
Enquet’Action (EA) : À un moment de votre vie, vous aviez découvert que vous étiez atteinte d’endométriose. Parlez-nous de votre expérience avec cette maladie.
Sylvie Jean Lavalée (SJL) : Après mon mariage, à l’âge de 30 ans, j’ai décidé d’avoir un enfant. En 2013, je crois. J’ai fait une première fausse couche. La thèse d’une maladie chromosomique chez l’enfant a été avancée. On nous a dit que peut-être l’enfant a eu une anomalie quelconque. Après la deuxième, la même thèse. Lorsque cela a récidivé, les médecins ont décidé de faire des recherches approfondies. C’est après avoir eu une troisième fausse couche en 2016 qu’on m’a diagnostiqué l’endométriose.
Fort heureusement, j’étais en France, un pays développé. Toutes les dépenses ont été à la charge de la Sécurité sociale.
J’ai été opéré au niveau du ventre. On a retiré des myomes, des fibromes. Je ne pouvais plus travailler durant une année. Le fait de savoir que je souffrais de cette maladie et que j’aurais des difficultés à enfanter m’avait vraiment affecté. J’ai eu le support de ma famille et de celle de mon mari. Mon mari m’a pleinement supporté durant cette période.
On m’a dit qu’il était encore possible d’avoir un enfant. J’ai toujours voulu essayer même après l’opération. J’ai eu d’autres fausses couches même après l’opération. J’en ai eu au moins 8 à 10 à répétitions. Ce qui a beaucoup compliqué ma vie et a fragilisé ma santé. Je suis à ma douzième fausse couche. Selon les médecins, je ne peux pas garder les enfants parce que j’ai une endométriose ajoutée à une infection placentaire. L’inflammation placentaire empêche aux enfants d’avoir de l’oxygène. D’où l’impossibilité du battement de leur cœur au cours de la grossesse.
L’endométriose aux peignes fins !
EA : À partir de votre expérience, que pouvez-vous nous dire sur l’endométriose ?
SJL : L’endométriose empêche une femme de tomber enceinte. Cette maladie prend du temps. Elle exige beaucoup d’années de combat. L’endométriose ne peut pas rendre une femme stérile. Il y a une différence entre stérilité et fertilité. La stérilité, c’est quand on ne peut pas enfanter. La fertilité est un problème d’ovulation, d’hormones, de problème dans les ovules, de kystes…
EA : Qu’est-ce qui peut provoquer cette maladie ?
SVL : Malheureusement, on ignore encore la cause de l’endométriose. Les médecins se penchent sur la menstruation parce que l’endométriose se constitue de myomes se situant dans les parois utérines de la femme qui vont aussi sur l’ovaire de la femme avant de se diriger sur leurs endomètres. Ils peuvent aussi se rendre dans l’intestin de la femme et même dans leur colonne vertébrale. Quand une femme atteinte d’endométriose a sa menstruation, il y a une quantité de sang qui ne coule pas et qui se pose sur certaines parties du corps comme l’endomètre, l’ovaire, la colonne vertébrale. Là, le sang s’accumule tous les mois. Ensuite, les myomes se forment et vont se situer sur une partie des organes susmentionnés. Cela occasionne des douleurs. Cela devient une anomalie dans l’utérus de la femme et c’est là que débute l’endométriose.
EA : Quels sont les principaux symptômes ?
SJL : De fortes douleurs au moment des règles, écoulement abondant de sang, fatigue à cause de l’abondance du sang, une anémie qui provoque de l’hypertension, la dépression. Certaines personnes perdent connaissance à cause des douleurs.
EA : Quelles sont ces conséquences sur la vie des femmes ?
SJL : Surtout la difficulté d’enfanter et la possibilité de ne pas avoir du tout d’enfant. Les fortes douleurs peuvent représenter un handicap pour la femme dans ses occupations personnelles. Elle peut devenir dépressive en pensant trop à la maladie. Elle peut ne plus avoir de vie sociale à cause des douleurs à répétition.
7 à 10 ans pour diagnostiquer l’endométriose
EA : À partir de quel âge une femme peut-elle contracter cette maladie ?
SJL : Les médecins disent que dès les premières règles, une fille est susceptible de contracter l’endométriose. Elle prend 7 à 10 ans pour être diagnostiquée. Comme je l’ai dit tantôt, ce sont des reflux de sang qui remontent à la surface, qui remontent vers l’utérus et qui vont se nider à plusieurs endroits. Donc, automatiquement qu’on a les règles, ce sang remonte pour se concentrer. Les myomes qui constituent ce sang stocké sont [trop] petits pour être diagnostiqué dans une IRM. Au fil des années, les myomes commencent à grandir, prennent du poids, prennent des centimètres, etc. C’est à partir de là qu’on peut vraiment les voir à l’aide d’appareil d’échographie ou de sonographie. J’invite les jeunes filles à prendre les devants, à aller voir un médecin. Les parents doivent les accompagner dans cette démarche.
EA : L’endométriose se développe-t-elle de la même manière chez toutes les filles ?
SJL : Elle peut être à un stade différent selon la personne, mais l’endométriose se développe chez tout le monde de la même manière. Il y a 4 stades au niveau de la maladie. J’ai une bonne amie qui habite en France et qui est au dernier stade. Sa maladie se situe dans sa colonne vertébrale, un endroit inopérable. Elle aura des douleurs toute sa vie. Elle est constamment sous médications. Moi, je suis au stade 1. Je n’ai pas vraiment de fortes douleurs quand j’ai mes règles. Les premiers symptômes qui pouvaient m’alerter sur la maladie étaient les douleurs menstruelles qui m’étaient étrangères jusqu’où j’ai eu mes fausses couches.
EA : Quel est l’impact de la maladie sur la santé reproductive ?
SJL : La maladie endommage votre endomètre qui est rempli de myomes dessus. Au fait, elle obstrue votre endomètre. Cela ressemble au fibrome, mais ça ne l’est pas. Le fibrome lui est comme une patte d’araignée qui peut envelopper vos ovaires, votre endomètre. Les myomes sont des grosses boules de sang qui viennent se nider sur l’endomètre empêchant ainsi la grossesse d’arriver à terme.
EA : Quel rapport existe-t-il entre les douleurs liées aux règles et l’endométriose ?
SJL : Les douleurs menstruelles représentent l’un des symptômes de l’endométriose. C’est le lanceur d’alerte. Si vous avez des douleurs menstruelles, allez consulter un médecin parce que ce n’est pas normal. Ce n’est pas normal que vous ayez des douleurs liées aux règles.
EA : Existe-t-il des médicaments pouvant soigner l’endométriose ? Si oui, lesquels ?
SJL : Malheureusement, il n’y a pas de remède. Pour l’instant, il n’y a que des recherches qui visent une plus grande connaissance sur la cause de la maladie. Le seul soulagement possible c’est l’enlèvement des myomes par voie opératoire.
Une association à la rescousse des Endogirls
EA : Alors que la science travaille sur la question, parallèlement vous avez créé une organisation au service des femmes vivant avec la maladie. Parlez-nous de cette initiative (sa mission, son contexte de création, son statut légal, ses réalisations, ses membres, son champ d’action).
SJL : J’ai créé en 2019 l’association « Ann met tèt ansanm kont maladi andometriyoz ». Le lancement officiel a eu lieu le 10 mai 2019 sur la Place St Pierre [à Pétion-Ville] où l’on avait rassemblé beaucoup de femmes qui ne savaient pas ce que c’était l’endométriose. On en a profité pour vulgariser la maladie. Plusieurs gynécologues et nutritionnistes étaient présents pour pouvoir répondre aux différentes questions.
L’association a un staff de cinq membres. Elle est reconnue légalement tant en France qu’en Haïti. L’idée, c’est de parler de la maladie, de regrouper les femmes qui en souffrent au niveau d’Haïti. En province et à Port-au-Prince. Aussi, cette association regroupe les femmes d’ailleurs. Nous tenons un groupe WhatsApp avec une soixantaine de filles qui souffrent de la maladie. On se donne des conseils. On partage les types de remèdes qu’on prend. On parle des interventions chirurgicales. C’est un groupe de support et de soutien entre les filles souffrantes.
En 2020, on a lancé une campagne de sensibilisation virtuelle sur la maladie. On a touché des artistes qui ont fait des vidéos qui abordent le sujet. On a fait une campagne au cours de laquelle on a interrogé des psychologues, des gynécologues, des endogirls et des femmes qui ignoraient qu’elles souffraient d’une telle maladie. C’était une très belle initiative et c’était une réussite.
J’ai écrit un ouvrage dans lequel je parle de mes expériences avec la maladie. L’année prochaine, on aura une activité en mars, mois consacré à l’endométriose comme on le fait depuis les trois dernières années. Je suis également la directrice de la compagnie Bijou. Cette compagnie évolue dans la production de serviette hygiénique. Dans le cadre de la sensibilisation autour de la maladie, nous avons créé des serviettes réutilisables que nous avons distribuées en Haïti aux femmes qui sont économiquement faibles. Nous savons comme c’est difficile pour les femmes haïtiennes de se procurer de serviettes hygiéniques. Nous avons distribué au niveau de plusieurs orphelinats où des enfants n’ont pas les moyens.
Courage et n’abandonnez pas !
EA : Votre message pour celles qui souffrent de cette maladie
SJL : Aux femmes qui se demandent si elles pourront avoir des enfants, je leur dirai donc oui parce qu’il y a quelques femmes qui ont fini par enfanter, mais avec beaucoup de difficultés comme Laetitia Milo qui a pris 10 ans pour avoir un enfant. C’est faisable. Je leur dirai de ne pas se décourager. Oui, la maladie fait beaucoup de dégâts dans notre vie, dans celle de nos enfants, dans notre couple, dans notre travail… Mais courage, soyez fortes. « ’Menm lè nou tonbe nap leve kanmenm ». Courage et n’abandonnez pas !
EA : Pour finir, qu’est-ce que vous aimeriez ajouter ?
SJL : Allez voir un médecin le plus tôt que possible avant de décider d’avoir un enfant. J’ai écrit dans mon livre que je l’ai découvert quand j’ai décidé d’avoir un enfant. Cependant, lorsque je vivais en Haïti j’avais l’habitude d’aller voir mon gynécologue. Mais dès que je suis arrivée ici [en France], je n’ai même pas pris le temps d’aller voir un gynécologue. C’est quand j’ai décidé d’enfanter que j’ai su que je souffrais de la maladie. Donc, ce que je vous encourage d’aller voir un médecin. « Pi bonè se granm maten. Al fè tchekòp pou pye n pa mare lè n dekouvri maladi a. Al konnen kijan sante w ye youn ou 2 zan avan w gen yon timoun. Se trè enpotan ».
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